Didier Eribon, le sociologue
Transfuge de classe (qui a vécu un changement de milieu social), Didier Eribon nous explique qu’il a vécu la honte de ses origines sociales comme il a vécu la honte de son homosexualité. Il existerait un “placard social” qui, comme le “placard gay”, aurait forcé l’auteur, évoluant alors dans un milieu universitaire et intellectuel parisien, à user de stratagèmes pour ne pas être démasqué, et le forçant à se tenir éloigné de sa famille pendant quasiment 30 ans.
“Les subterfuges pour brouiller les pistes, les très rares amis qui savent mais gardent le secret, les différents registres de discours en fonction des situations et des interlocuteurs, le contrôle permanent de soi, de ses gestes, de ses intonations, de ses expressions, pour ne rien laisser transparaître, pour ne pas se “trahir” soi-même, etc. ” Retour à Reims, Didier Eribon
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La prise de conscience de cette honte, 30 ans plus tard, incite l’auteur à revenir sur l’histoire de sa famille et ainsi livrer une analyse sur l’assujettissement des minorités sociales à travers sa propre expérience. Cette auto-analyse sert de fond à une analyse plus globale du monde social, au développement de la notion de “reproduction sociale” chère à Karl Marx et à la dénonciation de l’abandon du monde ouvrier par la gauche, convaincu de plus en plus par ceux qui leurs donnent désormais une tribune : le Front National.
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Thomas Ostermeier, le pédagogue
Dans un studio, une comédienne (Irène Jacob) enregistre la voix off d’un documentaire, dirigée par le réalisateur (Cédric Eeckhout) assisté de l’ingénieur du son et propriétaire du studio (Blade Mc Alimbaye). Sur un écran, en fond, défilent les images montrant Didier Eribon empruntant le train qui le ramène à Reims auprès de sa mère. Tous deux se remémorent des scènes du passé au travers des photographies que sa mère a ressorties pour l’occasion.
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Peu à peu, et grâce aux confrontations entre la comédienne, le réalisateur et l’ingénieur du son (dont on découvrira plus tard l’histoire de son grand-père, tirailleur sénégalais), le regard s’éloigne de l’intimité de Didier Eribon pour interroger le collectif. Ostermeier finit par redéfinir les frontières du texte pour le faire résonner dans l’actualité des gilets jaunes et des questions d’immigration, nous permettant ainsi une meilleure compréhension de l’oeuvre, se faisant bruyamment l’écho de notre Histoire récente. La mise en scène est juste, intelligente, percutante, on en sort séduit et grandi.