« Le 7 octobre n’est pas le début, quelque chose se passait bien avant », a déclaré le réalisateur Piero Usberti, qui a achevé fin septembre 2023 le montage de Voyage à Gaza, documentaire sur les Palestinien·nes vivant dans la bande de Gaza tourné en 2018.
Lundi 4 octobre dans la soirée, le film était présenté en avant-première au cinéma indépendant Le Concorde à Nantes, avant sa sortie nationale ce mercredi 6 octobre.
Un public nantais intéressé
« Déjà, merci d’être là », a lancé Piero Usberti en constatant que tous les sièges de la salle étaient occupés. Parmi le public et avec des stands à l’entrée, plusieurs collectifs militants nantais. Antoine et Corentin, de Jeunes pour la Palestine Nantes, rappellent notamment que leur lutte « passe par des manifestations mais aussi par des actions culturelles » comme celles-ci.
Le documentaire suit le parcours, le « voyage » du réalisateur lui-même dans la bande de Gaza, guidé par des Palestinien·nes qui témoignent de leurs vécus. À côté des conflits, le franco-italien laisse plus de place à l’humain, aux paysages et aux personnes bien réelles qui ont chacune une histoire propre à raconter.
À la fin de la projection, les applaudissements du public se font entendre. « C’est un film qui fait beaucoup de bien après un an d’images horribles », commentent les deux militants de Jeunes pour Palestine.
Un regard plus intimiste dans une guerre des images
Sylvain, directeur du Concorde, avoue avoir été touché par le traitement « d’une question politique plus large à travers l’intimité de ceux qui la vivent ». Une authenticité marquée par le fait que Piero Usberti a filmé seul ses vidéos, à la manière d’un souvenir de vacances. Alors qu’il avait 25 ans à l’époque du tournage, il a suivi le trajet de quelques Palestinien·nes bloqué·es dans ce territoire fermé de la bande de Gaza, et si selon lui « le côté intime était prévu depuis le début », les amitiés qui se sont créées au fil du voyage étaient elles imprévues. « Je voulais dès le début recentrer sur les personnes, les êtres individuels, c’est comme ça que je voulais parler de politique », affirme le jeune réalisateur. Dans les murmures en sortant de la salle, se fait d’ailleurs entendre l’appréciation de la démarche : « J’en ai marre qu’on ne dise que “Israël et le Hamas”, ça fait du bien d’entendre “les Palestiniens” ».
Il a d’ailleurs choisi de commencer son film par les impacts individuels sur les personnes, « au-delà du mouvement de masse », en montrant la mort de Yasser Mourtaja, journaliste reporter d’images tué en 2018 lors d’une manifestation pacifiste. Le thème de « la guerre des images », fil rouge du documentaire, montre aussi les drones surveillant constamment les Gazaouis, ce qui illustre bien leur « prison à ciel fermé » selon le réalisateur. Quand un membre du public, lui-même Palestinien, demande à Piero Usberti s’il a encore des contacts avec les personnes rencontrées là-bas, il répond que beaucoup sont partis après l’escalade des violences de ces dernières années, mais que l’une d’entre elles, Jumana, a préféré rester sur place pour justement devenir journaliste. En filmant, en documentant, l’idée était également de « réaffirmer la question du journaliste, leur place et leur rôle » dans ce territoire.
Rendre le conflit « plus limpide »
Le public, convaincu, n’a pas hésité à prendre la parole pendant l’échange : « C’est un film d’utilité publique ! ». En rappelant plusieurs éléments historiques qui ont fait de la bande de Gaza un territoire géostratégique sous tension, Piero Usberti rebondit en disant avoir voulu « repartir de zéro », montrer que « c’est pas si compliqué une fois qu’on s’y intéresse ». D’ailleurs, le film est pensé « comme un voyage » pour qu’il « puisse parler à quelqu’un qui n’y connaît rien ». Avec une voix-off qui guide le spectateur tout le film, le franco-italien définit par exemple la bande de Gaza comme « la plus grande prison du monde » bien avant les évènements de l’année passée, un espace assiégé avec pour frontières l’Egypte au Sud, Israël au Nord et la mer à l’Ouest.
Les images capturées par Piero Usberti ont cependant pris une autre dimension aujourd’hui : « le pâté de maisons qu’on voit à la fin du film, tout a été rasé quelques jours après le 7 octobre ». Le film est donc devenu d’emblée un film de mémoire, mais le jeune réalisateur rappelle que cela ne doit pas être « une manière d’accepter la colonisation et la haine ». Car si ce qui nous est présenté est une image du passé désormais détruite, il espère encore une reconstruction : « il ne faut pas tomber dans l’habitude et qu’on se dise que c’est normal ». Ainsi quand dans l’assemblée, la question du « point de vue didactique » et orienté du film est posée, Piero Usberti n’hésite pas à réaffirmer le « potentiel politique » de Voyage à Gaza.
La sortie nationale de ce documentaire qui a déjà touché le public nantais est prévue ce mercredi 6 octobre. Quant au cinéma Le Concorde, l’avant-première d’un autre film sur le sujet, No other land, est aussi organisée le 12 octobre prochain.