6 novembre 2024

Salle comble pour l’avant-première du documentaire « Voyage à Gaza » au Concorde

Lundi 4 novembre à 20h30, le cinéma Le Concorde accueillait Piero Usberti pour l'avant-première de son documentaire "Voyage à Gaza" filmé en 2018. Une projection suivie d'un échange entre le réalisateur et le public, dont des militants nantais de Jeunes pour la Palestine, Union Solidaires et AFPS44.

Salle comble pour l’avant-première du documentaire « Voyage à Gaza » au Concorde

06 Nov 2024

Lundi 4 novembre à 20h30, le cinéma Le Concorde accueillait Piero Usberti pour l'avant-première de son documentaire "Voyage à Gaza" filmé en 2018. Une projection suivie d'un échange entre le réalisateur et le public, dont des militants nantais de Jeunes pour la Palestine, Union Solidaires et AFPS44.

« Le 7 octobre n’est pas le début, quelque chose se passait bien avant », a déclaré le réalisateur Piero Usberti, qui a achevé fin septembre 2023 le montage de Voyage à Gaza, documentaire sur les Palestinien·nes vivant dans la bande de Gaza tourné en 2018.

Lundi 4 octobre dans la soirée, le film était présenté en avant-première au cinéma indépendant Le Concorde à Nantes, avant sa sortie nationale ce mercredi 6 octobre.

Un public nantais intéressé

« Déjà, merci d’être là », a lancé Piero Usberti en constatant que tous les sièges de la salle étaient occupés. Parmi le public et avec des stands à l’entrée, plusieurs collectifs militants nantais. Antoine et Corentin, de Jeunes pour la Palestine Nantes, rappellent notamment que leur lutte « passe par des manifestations mais aussi par des actions culturelles » comme celles-ci.

Le documentaire suit le parcours, le « voyage » du réalisateur lui-même dans la bande de Gaza, guidé par des Palestinien·nes qui témoignent de leurs vécus. À côté des conflits, le franco-italien laisse plus de place à l’humain, aux paysages et aux personnes bien réelles qui ont chacune une histoire propre à raconter.

À la fin de la projection, les applaudissements du public se font entendre. « C’est un film qui fait beaucoup de bien après un an d’images horribles », commentent les deux militants de Jeunes pour Palestine.

Avant la projection, le collectif Jeunes pour la Palestine Nantes était sur place pour informer sur la cause palestinienne et financer leur lutte – 04/11/2024

Un regard plus intimiste dans une guerre des images

Sylvain, directeur du Concorde, avoue avoir été touché par le traitement « d’une question politique plus large à travers l’intimité de ceux qui la vivent ». Une authenticité marquée par le fait que Piero Usberti a filmé seul ses vidéos, à la manière d’un souvenir de vacances. Alors qu’il avait 25 ans à l’époque du tournage, il a suivi le trajet de quelques Palestinien·nes bloqué·es dans ce territoire fermé de la bande de Gaza, et si selon lui « le côté intime était prévu depuis le début », les amitiés qui se sont créées au fil du voyage étaient elles imprévues. « Je voulais dès le début recentrer sur les personnes, les êtres individuels, c’est comme ça que je voulais parler de politique », affirme le jeune réalisateur. Dans les murmures en sortant de la salle, se fait d’ailleurs entendre l’appréciation de la démarche : « J’en ai marre qu’on ne dise que “Israël et le Hamas”, ça fait du bien d’entendre “les Palestiniens” ».

Il a d’ailleurs choisi de commencer son film par les impacts individuels sur les personnes, « au-delà du mouvement de masse », en montrant la mort de Yasser Mourtaja, journaliste reporter d’images tué en 2018 lors d’une manifestation pacifiste. Le thème de « la guerre des images », fil rouge du documentaire, montre aussi les drones surveillant constamment les Gazaouis, ce qui illustre bien leur « prison à ciel fermé » selon le réalisateur. Quand un membre du public, lui-même Palestinien, demande à Piero Usberti s’il a encore des contacts avec les personnes rencontrées là-bas, il répond que beaucoup sont partis après l’escalade des violences de ces dernières années, mais que l’une d’entre elles, Jumana, a préféré rester sur place pour justement devenir journaliste. En filmant, en documentant, l’idée était également de « réaffirmer la question du journaliste, leur place et leur rôle » dans ce territoire.

L’affiche du film, qui sort en salles ce 6 octobre

Rendre le conflit « plus limpide »

Le public, convaincu, n’a pas hésité à prendre la parole pendant l’échange : « C’est un film d’utilité publique ! ». En rappelant plusieurs éléments historiques qui ont fait de la bande de Gaza un territoire géostratégique sous tension, Piero Usberti rebondit en disant avoir voulu « repartir de zéro », montrer que « c’est pas si compliqué une fois qu’on s’y intéresse ». D’ailleurs, le film est pensé « comme un voyage » pour qu’il « puisse parler à quelqu’un qui n’y connaît rien ». Avec une voix-off qui guide le spectateur tout le film, le franco-italien définit par exemple la bande de Gaza comme « la plus grande prison du monde » bien avant les évènements de l’année passée, un espace assiégé avec pour frontières l’Egypte au Sud, Israël au Nord et la mer à l’Ouest.

Les images capturées par Piero Usberti ont cependant pris une autre dimension aujourd’hui : « le pâté de maisons qu’on voit à la fin du film, tout a été rasé quelques jours après le 7 octobre ». Le film est donc devenu d’emblée un film de mémoire, mais le jeune réalisateur rappelle que cela ne doit pas être « une manière d’accepter la colonisation et la haine ». Car si ce qui nous est présenté est une image du passé désormais détruite, il espère encore une reconstruction : « il ne faut pas tomber dans l’habitude et qu’on se dise que c’est normal ». Ainsi quand dans l’assemblée, la question du « point de vue didactique » et orienté du film est posée, Piero Usberti n’hésite pas à réaffirmer le « potentiel politique » de Voyage à Gaza.

La sortie nationale de ce documentaire qui a déjà touché le public nantais est prévue ce mercredi 6 octobre. Quant au cinéma Le Concorde, l’avant-première d’un autre film sur le sujet, No other land, est aussi organisée le 12 octobre prochain.

Volontaire en service civique cette année à Fragil, Enora est passionnée de littérature, d'histoire, de cinéma... Son objectif est de devenir journaliste culturelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017