Dans le cadre des journées contre le béton, le collectif « Sauvons les Gohards » organisait une journée de mobilisation le 09 décembre 2023. Du jeune architecte à l’agriculteur à la retraite, ce sont plus de 800 personnes qui ont répondu à l’appel pour dénoncer l’artificialisation des dernières terres maraîchères nantaises.
Le même matin, Johanna Rolland, la maire de Nantes, décidait d’inaugurer une allée non loin de là, devant une cinquantaine de personnes. Mais elle n’avait visiblement pas le temps (ou l’envie ?) de rendre visite aux centaines de personnes présentes quelques mètres plus loin.
Multipliant les forces de l’ordre autour de l’arrivée des lieux, ce n’est pas moins de huit fourgons de CRS qui retiendront les tracteurs. Nos agriculteurices ont du talent, iels parviendront malgré tout à se frayer un chemin, et ce, en dépit d’un talus apparu la veille du rassemblement à l’entrée des lieux.
Au programme de ce début de matinée pluvieuse et venteuse, il a fallu piocher, pelleter et planter. La lutte pour le vivant tisse des liens, et des habitant.e.s des quatre coins de la France étaient présent.e.s. En l’espace de quelques heures, une cinquantaine d’arbres sont plantés et une mare est creusée pour le plus grand bonheur des amphibiens.
De l’enduit terre paille, une charpente en bois, des panneaux de paille et un toit en tôle composeront la « Maison de la Résistance et des Semences ». Ce bâtiment est la première pierre à l’édifice du contre-projet imaginé par des paysagistes, des agriculteur.rices, des architectes et des maraîcher.ères.
Karim Lahiani, un visage de la lutte contre l’A69 entre Toulouse et Castres, était présent. Jeune urbaniste d’une trentaine d’années, il est un des auteurs du contre-projet écologique proposé pour redynamiser la nationale plutôt que de construire une autoroute. Aujourd’hui il souhaite aider à construire de nouveaux projets alternatifs, sociaux et écologiques face aux projets capitalistes et écocides. C’est dans cette dynamique qu’il est venu rejoindre les Gohards.
De ces espaces, « La CGT ville de Nantes et l’UFICT CGT revendiquent la restitutions de ces terres autrefois cultivées par le service Nature et Jardin » comme l’indique le collectif « Sauvons les Gohards ». Mieux encore, ils proposent la création d’une ferme communale qui permettrait de nourrir les nantais.e.s de la crèche aux EHPADs.
Après un repas chaud, le cortège s’élance à la suite de trois tracteurs dans le quartier. Partout, des manifestations de soutien des habitant.es, des signes de mains, des klaxons, certains rejoignent même la marche ! La joyeuse troupe ira jusqu’à l’usine Lafarge de Sainte Luce pour marquer cette marche de mobilisation. Elle sera stoppée par les gendarmes avant de pouvoir rentrer sur le lieu.
Pourquoi tant de remue-ménage ?
Parce que l’étude d’impact qui a été effectuée est incomplète, une contre-expertise a été réalisée par des scientifiques et prouve l’existence de zones humides sur le futur chantier. Même si le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le premier recours déposé pour stopper l’avancer des travaux, il admet « un doute sérieux sur la présence de zones humides sur le terrain ». Ces zones sont un trésor de biodiversité et participent activement à la régulation des crues. La mairie s’était engagée à « protéger tous les espaces à potentiel de production alimentaire d’ici 2030 », mais choisit de continuer les travaux jusqu’au jugement de l’autorisation environnementale.
Contactée à plusieurs reprise, la mairie n’a jamais donné suite aux appels. D’après la dernière expertise du GIEC des Pays de la Loire, la Loire Atlantique est un des départements les plus bétonnés de France. Malgré tout, les pouvoirs publiques souhaitent artificialiser 50 hectares des dernières terres maraîchères et naturelles nantaises, sous couvert d’en faire un écoquartier qui habiterait quelques fermes urbaines. La crise du logement n’épargne pas Nantes, il est est en effet important de trouver de nouveaux espaces d’habitation.
Des logements, mais pour qui ?
Nantes métropole concentre ses efforts sur des logements au loyer bien trop exorbitant pour la majorité de la population. Elle va jusqu’à détruire des logements sociaux pour contenter ses nouveaux clients. Ce fut le cas lors de la destruction de l’édit de Nantes, un ancien foyer jeunes travailleurs, riche de 80 logements, réduits à n’être que 8 grandes résidences de luxe. Plus inquiétant, lorsque la ville ne remplit même pas de moitié ses objectifs de construction de nouveaux logements sociaux, elle veut en détruire une centaine place Mendès France. Les compensations pour les habitants ? Un chèque. Aucune solution de relogement n’est proposée aux familles.
« À tout hasard, pourquoi ne pas se servir des 72 000m2 d’extension, accordé au centre commercial Paridis, pour accueillir 2000 nouveaux logements ? Les terres sont déjà artificialisées, proches du centre et bien desservies. » se questionne Hélène, étudiante BTS en production horticole au Grand Blottereau.
Ce cadeau fait à Pierre Chartier ne viendra malheureusement pas répondre aux problématiques urgentes, mais gaver un capitalisme déjà bien empâté. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, en tant que nantais, vous avez déjà du vous rendre sur une de ses terres. Il est le propriétaire des murs d’Atlantis et de Paridis. Ce multimillionnaire français décrit comme « sans état d’âme » par Médiacités, est classé parmi les 500 premières fortunes de France d’après le magazine « Challenges ». Le malheur des uns doit faire le bonheur des autres, la fortune de Monsieur Chartier a bondi de 100 à 350 millions d’euros entre l’année du COVID et la fin de celle-ci.
Ce jour-là, Sainte Luce aura vu passer sa première manifestation.
Les collectifs présents appellent à faire grandir la lutte pour le maintien du vivant et contre les entreprises reconnues complices de crimes contre l’humanité. Pour un avenir plus vert et plus radieux.