20 mai 2020

The Voice, « un truc de ouf » !

Malgré sa récente élimination, c’est la révélation de cette saison 2020 de The Voice ! Ana Monteiro Lopes, jeune femme de seize ans d’origine portugaise, s’est démarquée lors de ses différents passages et a beaucoup fait parler d’elle. Fragil l’a interviewée afin de mieux comprendre les rouages et l’envers du décor de ces émissions. Rencontre.

The Voice, « un truc de ouf » !

20 Mai 2020

Malgré sa récente élimination, c’est la révélation de cette saison 2020 de The Voice ! Ana Monteiro Lopes, jeune femme de seize ans d’origine portugaise, s’est démarquée lors de ses différents passages et a beaucoup fait parler d’elle. Fragil l’a interviewée afin de mieux comprendre les rouages et l’envers du décor de ces émissions. Rencontre.

Révélation des auditions à l’aveugle, Ana Monteiro Lopes a marqué de son empreinte cette saison 2020 de The Voice. Lors de son premier passage, elle a chanté Ta Reine d’Angèle et a ému Lara Fabian et Amel Bent qui se sont retournées. C’est dans l’équipe de cette dernière qu’elle accède au Battle où elle affronte Melba sur le titre Summertime Sadness de Lana Del Rey. Elle est désignée pour poursuivre l’aventure avec la coach, mais c’est au stade des K.O. qu’Ana sera éliminée, alors qu’elle venait d’interpréter le célèbre Bad Guy de Billie Eilish.

Malgré son départ de l’émission, elle fait parler d’elle sur les réseaux sociaux et compte bien mener plus loin son aventure dans le monde de la musique.

 

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Rappel des épisodes précédents

Ana Monteiro Lopes est née en 2003 à Santarem au Portugal. A l’âge de dix ans, elle débarque dans les Landes. Elle ne parle pas le français mais poursuit sa scolarité en CM2. Pour apprendre cette nouvelle langue plus rapidement et pouvoir enfin communiquer avec les autres enfants, elle écoute beaucoup la radio, notamment Matt Pokora, Stromae et Louane. Arrivée au collège, elle intègre la chorale et apprend à jouer de plusieurs instruments dont la guitare, le piano et la batterie. Et chaque année, lors de la fête du collège, elle se fait remarquer en interprétant des morceaux en solo. Elle intègre finalement le conservatoire de Rion-des-Landes pour y perfectionner son chant.

La nouvelle star

En plein confinement, Ana nous a accordé une interview pour nous aider à mieux comprendre son parcours et les coulisses de la réalisation d’émissions comme The Voice.

Fragil : Où et comment vis-tu le confinement ? 

Ana : Je suis dans les Landes. A côté de Mont-de-Marsan. Je vis le confinement plutôt bien parce que je suis dans une maison avec un très grand jardin et une forêt pas loin, donc ça va.

Fragil : Comment occupes-tu tes journées ?

Ana : De la musique, Netflix, des fois je fais des devoirs… Mais surtout de la musique. J’ai sorti deux compos sur Soundcloud, une première en français “les oiseaux de la nuit” et la deuxième “Addictions”, un sujet un peu lourd mais qui me tient à coeur.

Fragil : D’où t’est venue l’inspiration pour ce morceau, Addictions ?

Ana : De ce que j’ai vécu, de ce que je vois tous les jours. Quand on est jeune, on vit beaucoup dans l’addiction. Je le vois chez mes amis et chez les adultes qui sont autour de moi. Tout le monde est addict à quelque chose, ça m’a touchée et donné envie d’écrire sur le sujet.

Fragil : Sur la vidéo The Voice à la maison, on voit des photos derrière toi, dont celle d’Amy Winehouse. Qui d’autres as-tu accroché sur ton mur ?

Ana : Il ya Billie Eilish, c’est sûr, et beaucoup d’autres. Il y a aussi une photo de Salvador Sobral, le Portugais qui a gagné l’Eurovision, parce que je suis Portugaise, je le soutiens à fond. C’est mon chanteur portugais préféré, j’adore ce qu’il fait. Twenty One Pilots, Arctic Monkeys… Beaucoup de jeunes et beaucoup de vieux en même temps. Tous les artistes qui me donnent de l’inspiration.

 

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L’aventure The Voice

Fragil : Peux-tu nous raconter comment l’aventure The Voice a commencé ? Au Mojo, c’est bien ça ?

Ana : C’est mon professeur de conservatoire qui m’a dit que ce serait bien que je fasse des scènes ouvertes. Je me suis inscrite à celle du Mojo et j’ai chanté Mala Vida de Coldplay. Ma mère a filmé mon passage et Jérémie, le gérant du bar, lui a demandé la vidéo parce qu’il connaissait un casteur de The voice. Il la lui a envoyée et c’est comme ça qu’à la deuxième scène ouverte, il y avait ce casteur de The Voice dans la salle. Je n’étais pas au courant, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il me propose de participer à l’émission. Pour moi, j’allais juste faire une scène ouverte et je me disais que c’était déjà bien. Mais faire The Voice, c’est un truc de ouf ! J’ai dit oui parce que c’était une opportunité de ouf.

Fragil : Quand a été tourné cette saison de The voice ? Et dans quelles conditions (casting, à l’aveugle, battle, KO) ?

Ana : Les premières auditions, c’était en septembre 2019 à Paris. C’était la première fois que je visitais cette ville. En octobre, on a fait le choix de la chanson pour les auditions à l’aveugle et je l’ai chantée pour une sélection finale devant des casteurs. J’ai passé cette étape et je suis allée aux auditions à l’aveugle. Pour moi, c’était en novembre. Il y avait beaucoup de monde, tout le monde stressait, et moi, j’étais dans mon coin et je me demandais ce que je faisais là. J’ai passé chaque audition avec cet état d’esprit “qu’est-ce que je fais là”, et je me disais que ça passe ou ça casse.

Fragil : Pourquoi as-tu choisi “Ta Reine” d’Angèle pour les auditions à l’aveugle ?

Ana : Parce que je pense que c’est bien d’être une femme qui s’assume dans tout ce qu’elle est. C’est une chanson que j’adore et qui raconte beaucoup de choses sur l’homosexualité. Comme c’est en français, tout le monde peut comprendre. C’est pour la cause LGBT, contre l’homophobie.

Fragil : Amel Bent et Lara Fabian se sont retournées, mais tu avais déjà choisi Amel Bent ?

Ana : Oui, dans ma tête, j’avais déjà fait mon choix. A la base, je ne pensais pas qu’elles allaient se retourner, mais je savais que si Amel le faisait, je la choisirais.

Fragil : Et pourquoi Bad Guy de Billie Eilish pour les K.O ?

Ana : Je voulais vraiment montrer une nouvelle facette de moi-même, autre que l’émotion, que j’avais déjà proposé lors de mon audition à l’aveugle, puis de ma battle. Cette fois, le but était de m’amuser. Bad guy est une chanson que j’adore, et d’une artiste que j’adore.

 

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Backstage

Fragil : Comment sont préparés et se passent les tournages des émissions ?

Ana : Il y a des répétitions pendant toute la journée sur le plateau. Ensuite, le tournage commence vers 21h, comme si on était en direct. Des fois, ça finit à 3h du matin. Moi, je suis passée la dernière, donc vers 1h30 du matin pour les auditions à l’aveugle.

Fragil : Comment de fois et combien de temps as-tu répété avec ta coach ? Tes relations avec Amel Bent ?

Ana : Je l’ai vue trois fois. Au coaching des battle, ensuite sur scène pour les derniers détails et en répétition avant les KO. Elle m’a juste dit que je devais avoir confiance en moi et ça m’a fait du bien. Elle ne m’a pas dit grand chose sur mon interprétation. De base, je n’écoute pas trop ce qu’on me dit et je n’allais pas trop changer. Elle m’a juste parlé de ma confiance en moi et c’est ça qui m’a aidée.

 

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Fragil : Comprends-tu ton élimination ? Lui en veux-tu de ne pas t’avoir gardée ? 

Ana : Je ne lui en veux pas parce que c’est son choix. C’est juste que j’étais déçue parce que je voulais aller aux live. Cette émission reste ma meilleure expérience musicale. Désormais, je vais travailler sur mes compositions car je suis sûre que ce n’est pas la fin, ce n’est que le début de quelque chose.

Fragil : Dans certaines interviews, tu semblais redouter ton retour au lycée. Comme s’est-il passé ?

Ana : C’était bizarre. Je voyais bien que les autres élèves me regardaient. Mais j’avais un peu peur pour rien, c’est juste que j’ai souvent un peu d’anxiété sociale. Alors que tout s’est bien passé, sauf peut-être à la cantine. J’entendais des chuchotements autour de moi. En plus, dans mon lycée, on partage la cantine avec un collège, et les collégiens sont durs, ils montrent un peu plus leurs émotions. Des fois, on m’a demandé des photos. Je ne comprenais pas parce que je ne considérais pas avoir fait un truc de ouf. Au bout du compte, il y a beaucoup de gens que je croyais être mes amis, mais en fait non. C’est comme ça, c’est la vie. Ce n’est pas grave.

Fragil : Comment ça se passe sur les réseaux sociaux ? As tu changé certaines de tes habitudes ? Comment réagis-tu aux commentaires négatifs ? 

Ana : Il y a toujours des commentaires négatifs, mais je ne les regarde pas trop. Parfois, j’en rigole. Il y a surtout des commentaires positifs. Il y a aussi des commentaires homophobes et des commentaires racistes. C’est grave mais ça ne m’atteint pas. De toute façon, j’essaye toujours de garder ma vie privée et je ne partage pas ma vie avec tout le monde. J’essaye de rester moi-même, c’est le plus important. Je ne pense pas avoir beaucoup changé.

Fragil : Que t’a apporté The Voice sur le plan artistique, la manière de créer des chansons ?

Ana : Tout. Par exemple, les coachs vocaux de The Voice, Angie et Nathalie, m’ont dit que je devrais écrire en français. Le soir-même, j’ai écris “les oiseaux de la nuit”. The Voice m’a apporté l’envie d’écrire en français et de sortir de ma bulle. Par exemple sur Ta Reine, je suis totalement sortie de ma bulle, on n’a pas l’impression que je suis sur scène, mais chez moi, en train de faire n’importe quoi. J’ai beaucoup appris grâce à The Voice.

Fragil : Quel est ton regard sur la discographie des juges ?

Ana : Je connaissais à peine une chanson de chacun d’eux (rires). Je m’en veux de ne pas en connaître plus.

Fragil : Comment définirais-tu les limites de ta liberté artistique dans l’émission ?

Ana : Je n’en ai pas ressenti. Parce qu’ils m’ont toujours poussée à rester moi-même. De toute façon, ils n’auraient pas réussi à me changer ou me mettre des limites. Il n’y a jamais eu de limites. En parallèle, j’étais toujours d’accord avec les choix de chanson et de leur côté, ils ont toujours beaucoup aimé mon interprétation. J’aime beaucoup modifier les chansons et les adapter à ma sauce.

Fragil : Que penses-tu de la compétition dans la musique ?

Ana : Je ne regardais pas ces émissions avant. Sauf quelques fois, parce que j’aimais beaucoup Mika. En général, je n’aime pas la compétition et encore moins entre artistes. Je préfèrerais qu’on soit juste là, tous ensemble, sans compétition. Par exemple, pour ma battle avec Melba, on n’était pas en compétition. Pour tout ce que j’ai fait dans The Voice, je n’étais pas en compétition avec les autres. C’est juste qu’on était tous là ensemble et qu’on vivait un truc de ouf tous ensemble. Je ne sais pas s’ils pensent tous comme moi, c’était ma mentalité.

Fragil : Comment sont les relations entre candidats et candidates ?

Ana : Je suis devenue très amie avec LudySoa, c’est une de mes meilleures potes maintenant. Abi est également un ami, Baby J aussi. On avait tous une très bonne relation. C’était vraiment génial, on chantait tout le temps. Les gens, le public, ils cherchent toujours à nous comparer les uns aux autres alors que nous, on était juste trop bien ensemble et on s’amusait de ouf.

Fragil : As-tu eu l’impression que certains choix des coachs étaient imposés par la production ? As-tu senti une scénarisation dans les choix, dans les duos ou dans les KO ?

Ana : Je ne sais pas. Parfois, je n’étais pas d’accord avec leurs choix.

Fragil : Quelle est, selon toi, l’influence de la production dans le choix du vainqueur ?

Ana : Je pense que les coachs avaient déjà choisi dans leur tête les trois sélectionnés aux KO. Il y avait sept candidats pour trois places. Je ne trouve pas que c’était une bonne technique. Je suis passée en dernière et je savais qu’Amel avait déjà sélectionné ses trois talents. C’était terrible pour moi et pas ouf pour le mental de faire les KO comme ça.

 

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Vers l’infini et au-delà

Fragil : As-tu des contacts avec Amel Bent depuis ta sortie de l’émission ?

Ana : Pas du tout. Mais je n’ai pas cherché à entrer en contact avec elle.

Fragil : As-tu eu des contacts avec d’autres producteurs ?

Ana : Rien ne se passe actuellement à cause du Corona. J’ai eu des contacts avec des producteurs, mais je ne peux rien faire en ce moment. J’espérais intégrer la M.A.I (Music Academy International) de Nancy, à la rentrée prochaine, mais je n’ai pas encore de réponse. Je dois juste attendre et on verra ce qui se passera ou ne se passera pas. Ce sera à moi de faire les bons choix. Et surtout que je reste fidèle à ma musique. J’espère que l’après sera encore plus merveilleux que cette expérience.

Fragil : C’est quoi cette histoire avec la chanteuse Hoshi ?

Ana : En fait, elle a organisé un concours #amourconfiné. Celui qui faisait la meilleure cover d’une de ses chansons gagnait le droit de chanter avec elle à Paris. J’ai fait un cover et j’ai gagné et du coup, je vais chanter avec elle. C’est trop stylé quand même ! Je pense qu’elle va sortir son album et ce sera pendant sa tournée, je pense, mais je ne sais pas quand.

[aesop_image imgwidth= »40% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2020/05/Hoshi_2018.jpg » credit= »Wikipedia » align= »center » lightbox= »on » caption= »La chanteuse Hoshi » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Fragil : Tu as déjà composé 6 chansons. 6 chansons, ça fait un EP, non ?

Ana : Ces chansons ne sont pas finies. Ce que j’ai sorti sur Soundcloud, c’est juste un enregistrement guitare-voix. Je ne m’attendais pas à ce que les gens aiment parce que c’est très minimaliste. C’est brouillon pour moi tout ça. C’est pas fini.

 

 

 

Photo en tête : crédit Lightlaab studio

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017