18 décembre 2023

Tissé Métisse informe sur les discriminations subies par des jeunes Nantais·es

Le 9 décembre, l’association nantaise Tissé Métisse organisait la 31e édition de son festival à la Cité des Congrès. Elle y proposait notamment un temps de restitution et d’échanges autour de son enquête sociologique sur l’orientation scolaire et professionnelle et l’accès au premier emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la métropole.

Tissé Métisse informe sur les discriminations subies par des jeunes Nantais·es

18 Déc 2023

Le 9 décembre, l’association nantaise Tissé Métisse organisait la 31e édition de son festival à la Cité des Congrès. Elle y proposait notamment un temps de restitution et d’échanges autour de son enquête sociologique sur l’orientation scolaire et professionnelle et l’accès au premier emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la métropole.

En février 2024, l’enquête “L’accès à la formation professionnelle et à l’emploi des 15-26 ans habitant les quartiers prioritaires de la métropole nantaise” sera disponible au format PDF sur le site de Tissé Métisse. Elle s’est déroulée entre mai et juillet 2023 grâce au financement de la Fondation de France et à la collaboration entre l’association et la sociologue Janis Pinçon. Lors du festival, cette dernière et 3 des jeunes interrogé·es dans le cadre de l’enquête étaient présent·es pour échanger avec le public sur la question des discriminations. 

Donner la priorité à la parole des concerné·es

Quartiers Nord et leur lisière, Breil, Bellevue, Beaulieu, Malakoff, lisière de la Bottière, Halvêque, Rezé Château : les 25 adolescent·es et jeunes adultes interviewé·es représentent en grande partie les quartiers de la politique de la ville (QPV), soit les zones urbaines les plus pauvres de Nantes. C’est au cœur de ces territoires en situation de fragilité que Janis Pinçon les a rencontré·es pour aborder des sujets comme le parcours scolaire, la recherche de stages et d’alternances, les lettres de motivation, etc.

Comme souligné par la sociologue, l’enquête s’engage à refléter “leur vérité”, c’est-à-dire l’expérience vécue de ces collégien·nes, lycéen·nes, jeunes actif·ves et demandeur·euses d’emploi. Ainsi les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre ont peu été abordées lors du recueil de données par rapport aux discriminations sociales et ethnoraciales. Cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas, mais simplement qu’elles n’ont pas été mises en avant par les enquêté·es. 

 

“Le doute est inhérent à la réalité de l’expérience sociale quotidienne des jeunes gens rencontrés”

 

D’après Janis Pinçon, la perception d’inégalités, l’absence de représentation de soi dans l’espace public, les récits d’autrui, les remarques qui génèrent un doute ou encore le soupçon d’avoir été victime de préjugés constituent la réalité d’un grand nombre de jeunes à qui la parole a été donnée au cours de l’enquête.

Pour elle, l’“expérience du doute” est un élément central de cette enquête dite qualitative, car fondée sur des impressions et des opinions plutôt que sur des statistiques. L’experte insiste d’ailleurs sur le fait que les jeunes osent uniquement reconnaître avoir été discriminé·es lorsqu’ils “recensent un nombre suffisant d’indices concordants, des faits réitérés, une intonation, un contexte”

Témoignage d’Antoine, l’un des 25 interviewé·es de l’enquête, à l’occasion du festival Tissé Métisse 2023

 

Dans le cadre de l’orientation scolaire et professionnelle cependant, peu de place est laissée à l’incertitude : “tous les jeunes gens rencontrés, systématiquement […] ont l’impression de devoir faire face à une inégalité de traitement de la part des enseignants en fonction de la performance scolaire produite”. Or, la sociologue rappelle que chacun·e “[a] évolué dans un cadre qui postule que l’école ne produit pas de différences”

Les témoignages en direct de Mohammed (15 ans), d’Antoine (24 ans) et de Naïs (20 ans) allaient également dans le sens du “sentiment de dévalorisation profond” constaté par Janis Pinçon durant l’enquête. Mohammed a par exemple confié avoir eu rendez-vous avec une conseillère d’orientation en classe de 4e pour discuter de son projet professionnel. Alors qu’il dit souhaiter s’orienter vers l’architecture, il obtient pour seule réponse “un non sec, comme un mur”. Sa moyenne générale est pourtant comprise entre 15 et 16 sur 20. “En rentrant chez moi je me sentais trop nul, comme si je valais rien” a-t-il rapporté lors de la table ronde. 

La prise de parole de Naïs a quant à elle permis de mettre en lumière “l’importance [des associations] dans les trajectoires singulières” des jeunes interrogé·es, comme évoqué par la sociologue. Pour celle-ci, le collectif s’impose en définitive comme l’un des meilleurs leviers d’action pour faire face à et lutter contre toutes les formes de discriminations.

Rédactrice web dans une agence de référencement naturel côté pile et rédactrice bénévole pour Fragil côte face, je possède définitivement un attrait pour l'écriture. La littérature, le cinéma, le féminisme et l'écologie font partie de mes sujets de prédilection au quotidien.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017