12 octobre 2022

Trois salarié·es pour un héritage à perpétuer

Si les 20 ans de Fragil offrent l’opportunité de plonger dans les archives, les visages actuels de la structure doivent également être mis en lumière. Rencontre avec les trois salariés de l’association, François-Xavier Josset et Romane Tirel, chargé·es de projets numériques et médiatiques ainsi que Merwann Abboud, coordinateur.

Trois salarié·es pour un héritage à perpétuer

12 Oct 2022

Si les 20 ans de Fragil offrent l’opportunité de plonger dans les archives, les visages actuels de la structure doivent également être mis en lumière. Rencontre avec les trois salariés de l’association, François-Xavier Josset et Romane Tirel, chargé·es de projets numériques et médiatiques ainsi que Merwann Abboud, coordinateur.

 

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Fragil: Quel a été votre parcours jusqu’à votre arrivée chez Fragil ?

Romane : Je viens de Normandie, près de Caen. J’ai d’abord obtenu une licence d’histoire dans le Calvados avant de partir à Nantes pour entamer un master d’information et communication dans l’optique de devenir journaliste. Je me suis spécialisée dans la radio, effectuant des stages dans des médias comme RTL2, HitWest. A 25 ans, j’ai découvert Fragil lors d’un volontariat en service civique de huit mois. Peu après la fin de ma mission, en 2019, je suis devenue salariée de l’association.

François-Xavier : Je suis originaire de Nantes, ville où j’ai réalisé mon cursus scolaire. Après une formation en gestion des entreprises et des administrations, je suis parti à Paris pour travailler dans la branche marketing de Myspace (NDLR, réseau social important des années 2000). J’ai ensuite enchaîné dans deux enseignes de e-commerce, mais je n’ai jamais fait ça par passion. En me rapprochant de la scène punk-rock, je me suis aperçu d’une dissonance entre mes idées et mon travail. Suite à un licenciement économique, j’ai voulu me réorienter vers un travail plus proche de mes valeurs. L’éducation populaire m’intéressait et je suis finalement devenu salarié de Fragil en 2017.

Merwann : Je suis né à Rennes où j’ai effectué toute ma scolarité. Après quelques tergiversations, j’ai plié bagage vers le Liban pour faire une école de cinéma. Là-bas, j’ai travaillé pour la télévision en occupant les postes de journaliste et de réalisateur, monteur. Je suis ensuite parti en Egypte, aux Emirats Arabes Unis, au Maroc avant de revenir à Rennes, en 2012. Des époques notamment marquées par l’écriture de livres. Je suis devenu salarié de l’association en 2017, après avoir été contributeur pendant 9 mois.

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Fragil: Quelle touche personnelle pensez-vous apporter au sein de l’équipe ?

Romane : Je pense avoir un peu lancé la dynamique du podcast chez Fragil. Sinon, depuis quelque temps, je me suis penché sur les discriminations dans les médias, dont le sexisme. Cet engagement et les valeurs qui m’animent autour de ces questions peuvent être utiles dans mon travail.

François-Xavier : J’ai un esprit curieux. J’aime résoudre des problèmes, m’interroger sur comment je peux faire passer des messages. Dans le passé, j’ai d’ailleurs construit des prototypes de jeux de société. Ce sont des compétences qui me servent dans mon activité.

Merwann : Même si je suis devenu coordinateur, je continue d’animer des ateliers d’éducation aux médias sur le terrain. Je pense apporter mes compétences dans le domaine de l’audiovisuel, mais également une “touche humaine”. Si je me considère comme quelqu’un de volubile (NDLR, il sourit), je peux aussi apporter une dose de sympathie, de bienveillance et de dynamisme.

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Fragil: Comment envisagez-vous le futur de la structure ?

Romane : J’aime l’idée du local. Si j’ai un souhait pour l’avenir, c’est de développer davantage la vie autour de l’association, lors d’événements par exemple. J’aimerais aussi garder plus de traces de ce que l’on fait. Et pourquoi pas agrandir l’équipe de nouveau si l’occasion s’y prête !

François-Xavier : J’aime bien l’idée de l’association locale, qui reste ancrée sur un territoire et qui n’a pas forcément vocation à se surdévelopper. Je suis toujours passionné par ce que l’on fait. Maintenant, j’aimerais beaucoup que l’on parvienne à théoriser davantage notre activité, à partager notre expérience.

Merwann : L’éducation aux médias n’est pas un domaine qui est près de péricliter. Les ateliers ont de beaux jours devant eux. Pour l’instant, les retours sont excellents, et j’espère que Fragil continuera à prospérer et à être utile.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017