3 septembre 2019

Un aperçu du black metal au Motocultor Festival 2019, entre mises en scènes et humilité

Pour sa douzième édition, le festival des musiques extrêmes de Saint Nolff était programmé sur quatre jours, du 15 au 18 août. Cette nouvelle édition est encore une fois un record pour le festival qui annonce avoir accueilli 42 000 spectateurs. Retour sur une sélection de concerts donnant un aperçu de la programmation Black metal.

Un aperçu du black metal au Motocultor Festival 2019, entre mises en scènes et humilité

03 Sep 2019

Pour sa douzième édition, le festival des musiques extrêmes de Saint Nolff était programmé sur quatre jours, du 15 au 18 août. Cette nouvelle édition est encore une fois un record pour le festival qui annonce avoir accueilli 42 000 spectateurs. Retour sur une sélection de concerts donnant un aperçu de la programmation Black metal.

Le festival débutait dès le jeudi 15 août avec une programmation toute particulière puisque ce jour était placé sous le signe de la musique celtique avec Alan Stivell, Eluveitie, Corvus Corax et Stille Volk et enfin EXCALIBUR et ses 120 artistes sur scène. Les trois jours suivants seront plus variés, offrant sur les trois scènes du site une programmation qui a su contenter une partie du public amateur de musiques extrêmes. Ceci dit, il faut bien reconnaître que la programmation proposée en black metal était plutôt pauvre avec peu de groupes émergents.

Vendredi 16 août :

AU-DESSUS

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  • A 15h05, les lituaniens ont directement saisi le public de la Massey Ferguscene dès le début de leur set. Au-Dessus prend son temps pour installer une intensité dont on ne peut se défaire. C’est une véritable expérience que de se laisser happer par cette violence stoïque. Le chant est parfait, extrêmement varié, aux bons moments. Le final est grandiosement progressif, noble. Le set se termine pourtant calmement, le dernier morceau nous apaisant petit à petit ; nous ramenant peu à peu à la réalité du festival. Les membres du groupe remercient le public, chaleureusement, confirmant que ce moment si particulier fut partagé. Véritable coup de cœur de cette édition 2019 !

WATAIN

[aesop_image imgwidth= »50% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2019/09/Photo-2-Watain.jpg » credit= »DR » align= »center » lightbox= »on » caption= »les Suédois de Watain » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

 

  • La pluie et le froid ont gagné le combat contre Watain, dernier groupe de la Supositor Stage, seule scène non-abritée du festival. Mais tout le monde n’a pas partagé mon avis et le public était bien présent pour la cérémonie suédoise.Walid, festivalier coutumier des festivals de metal, pour qui Watain est bien le seul groupe qu’il ne manquerait jamais, a une fois de plus été conquis. Selon lui, la voix d’Erik Danielsson est « juste transcendante. Une vraie messe du chaos ». Il affirme également que l’ambiance était « folle » notamment avec ce contraste des flammes sur la scène et de la pluie sur le public. Formé en 1998, l’un des groupes leader du black metal suédois continue donc de satisfaire un public fidèle.

Et puis, parce qu’il n’y a pas que le black metal dans la vie, on notera également la performance énergique et efficace de Not Scientist, malgré un son batterie et voix légèrement malmené.

Samedi 17 août :

WOLVENNEST

[aesop_image imgwidth= »50% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2019/09/Photo-3-Wolvennest.jpg » credit= »DR » align= »center » lightbox= »on » caption= »l’expérience Wolvennest : de nombreuses bougies et de l’encens » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

 

  • En ce samedi après-midi, le public du Motocultor s’est divisé en deux catégories. Ceux qui souhaitaient promouvoir l’humour décalé du groupe de Grindcore français Gronibard, et ceux qui s’étaient réunis, en minorité, pour apprécier la grâce du black metal ambiant de Wolvennest. Nous sommes donc peu mais la prestation est intense, et malgré l’apparente diversité de style entre chaque musicien du groupe, l’alchimie fonctionne, notamment grâce à la présence délicatement envoûtante de la chanteuse Shazzula, qui nous ensorcelle lentement avec sa voix et son thérémine. Le public, charmé, se laisse complètement emporter par l’encens et la prestation tantôt douce, tantôt torturée -mais jamais agressive- du groupe belge. C’est un véritable rituel initiatique dont on ressort marabouté et épanoui.

MGLA

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  • Il pleut -encore- devant la Supositor stage, mais le public est très nombreux à vouloir assister au black metal si fascinant des polonais d’MGLA. Le groupe, qui signifie « brume » ou « brouillard », offre une prestation réussie, mais qui divise les festivaliers. Si beaucoup d’entre eux ont été fascinés, certains ont été déçus. C’est le cas de Mathias, réalisateur de la web série de science fiction Mad Marx, habitué des concerts et festivals de metal. Selon lui, « le côté volontairement statique et anonyme du groupe sur scène » commence à le lasser et il avait plutôt l’impression d’assister à une écoute de l’album très forte avec « trop d’êtres humains » autour de lui. Cela l’a convaincu qu’MGLA se savoure « plutôt seul, dans le noir, ou devant un paysage écrasant ! ». Ce n’est pas l’avis de Dolorès, rédactrice pour le webzine spécialisé en metal Horns up ainsi que pour Noire, webzine indépendant sur la culture alternative mondiale. D’après elle, c’est justement la facette de l’anonymat qui permet au public de se centrer sur la prestation de chacun des membres du groupe d’une part, tout comme sur le groupe en tant qu’entité. Elle apprécie assister à la proposition « d’un groupe d’individus indiscernables les uns des autres, au service de leur instrument et d’une cohérence d’ensemble ». Les compositions du groupe, ainsi que leur talent, leur permettent « d’envoyer une immense puissance en concert » et permet ainsi au public « d’apprécier leur technique et l’émotion qui se dégage de leurs titres sans s’attacher aux personnages eux-mêmes ».

Nous noterons également la prestation de Fange pour ce troisième jour de festival, sur la scène de la Dave Mustage. Le groupe rennais est saisissant de violence brute. Assister au concert de Fange, c’est véritablement se prendre une immense bouffée de souffrance sans filtre.

Dimanche 18 août :

VAMPILLIA

[aesop_image imgwidth= »50% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2019/09/Photo-5-Vampillia.jpg » credit= »DR » align= »center » lightbox= »on » caption= »Les Japonais excentriques de Vampillia » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

 

  • Il est difficile de faire entrer la musique de Vampillia dans une case. Eux-mêmes affirmant qu’il s’agit d’un « beautiful chaos ». Mais si les japonais de Vampillia proposent une prestation qui inclut beaucoup d’influences, allant du Noise à la musique Néoclassique, la puissance de leur set côtoie souvent le métal noir. Il n’est donc pas facile « d’entrer » dans cette proposition si atypique. Mais une fois les sourcils défroncés, on se laisse véritablement emmener et porter par la présence de ce groupe constitué de dix membres et aux personnalités multiples. L’ambiance est forte, les spectateurs sont captivés, très présents et ils applaudissent sans mesure. Le chanteur quant à lui communique énormément avec le public, se faisant même porter par ce dernier qui l’applaudit chaleureusement. Tout cela nous montre que l’idée de proposer des groupes singuliers et originaux est bénéfique pour le festival. Enfin nous avons la surprise de voir Neige, chanteur d’Alcest, groupe de blackgaze français, qui rejoint le groupe pour partager la scène quelques minutes, rendant cette performance encore plus exceptionnelle.

MIDNIGHT

 

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  • Les américains de Midnight proposent un mélange de black metal et de Rock n’ roll, dans un esprit punk. Cagoules, ceintures de balles et bagarre sont donc réunies sur la Supositor stage. Mais le public est clairsemé, et le groupe n’a pas réussi à fournir une prestation faisant l’unanimité. Pour certains, Midnight manquait d’énergie, offrant paradoxalement un spectacle moins agressif que sur leurs albums. Pour d’autres, en revanche, Midnight a été le meilleur concert de ces quatre jours de festival. Le public devant la scène semble partager cet avis puisque les pogos sont au rendez-vous. Notamment lorsque le chanteur est descendu dans le pit pour attacher le drapeau Midnight autour du cou d’un fan, qui a failli se faire étouffer par des festivaliers un peu trop intéressés par son bien. On notera également que le bassiste est sorti de scène avec une plaie sur le ventre…

Pour cette douzième édition, le Motocultor Festival a donc proposé une programmation black metal aux origines géographiques variées, mais qui fait débat, et qui n’a pas réussi à satisfaire certains passionnés en demande de nouveautés. Car s’il y avait des groupes phares comme Marduk, un des leaders des scènes black metal toutes époques et origines confondues, ou encore Gaahl’s Wyrd, groupe de black metal basé en Norvège, formé par l’ancien chanteur de Gorgoroth et God Seed, l’on peut déplorer le manque de groupes émergents, plus actuels. D’autant plus que le black metal est justement un style musical qui favorise la recherche d’atmosphères variées. À cette programmation qui manque de nouveauté et de diversité viennent s’ajouter de nombreux dysfonctionnements dans l’organisation du festival, avec de nombreuses plaintes de bénévoles pour qui cette édition a été particulièrement difficile.

Le festival a déjà annoncé les dates de la prochaine édition qui se déroulera du 13 au 16 août 2020. L’on espère donc une amélioration de l’organisation, pour satisfaire au mieux le public toujours plus nombreux et les bénévoles, indispensables au festival.

Enseignante en école élémentaire, chanteuse dans un groupe de post black metal, Justine s'intéresse aux musiques indépendantes et à la philosophie.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017