Marie Bertin, rédactrice en chef, ne s’en cache pas : le changement de format du magazine nantais Les Autres Possibles vise d’abord et avant tout à répondre à un enjeu économique. « Notre format dépliant cartographique illustré nous demandait quand même beaucoup de temps de coordination et de travail. On le vendait relativement peu cher parce qu’on y tenait, qu’il soit accessible, donc 2 euros, mais le rapport n’était pas très bon en termes de rentabilité, tout simplement ». Elle rappelle que Les Autres Possibles mènent également un studio éditorial engagé et des projets d’éducation aux médias. Le magazine, vendu à déficit, créait un poids trop lourd dans les colonnes de dépenses du projet associatif.
Un modèle économique réfléchi
Après avoir étudié plusieurs modèles économiques, Les Autres Possibles optent pour un livret A5 d’une trentaine de pages comprenant une seule enquête journalistique, des photographies et un graphisme épuré. La distribution, hors-abonné·e·s, a été réfléchie pour maximiser les efforts de l’équipe en concentrant les 1500 exemplaires dans les points de vente déjà bien établis : « on préfère moins, mais mieux » souligne la journaliste.
À savoir si le papier demeure toujours pertinent dans un contexte numérique fort, Marie Bertin explique : « Économiquement, c’était encore le papier. Même réponse à la même question qu’on s’était posé il y a 8 ans quand on avait lancé le projet : c’est en vendant un objet papier, pour nous, à notre échelle, étant donné notre ligne éditoriale, etc. qu’il sera le plus viable quoi. » Les Autres Possibles prouvent ainsi que chaque journal doit composer avec ses réalités propres dans son modèle économique.
Évolution de la ligne éditoriale
Le nouveau format est également le résultat d’une réflexion sur la ligne éditoriale du média : « on commençait à avoir fait un bon tour des sujets que nous invitait à traiter la première ligne éditoriale du magazine : les initiatives solidaires et durables du territoire nantais ». Maintenant, l’objectif est plutôt de s’intéresser à des sujets qui font le pont entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux.
« Là, en fait, on va en profondeur, et aussi, on délaisse le côté journalisme de solution » – Marie Bertin
Marie Bertin souligne que ce nouvel axe ouvre la porte à de vastes choix de sujets, mais il représente aussi de nouveaux défis pour la rédaction, qui doit dénicher ces sujets : « c’est une nouvelle gymnastique de veille ». Bien que le croisement entre les initiatives socio-écologiques ait toujours fait partie des réflexions du magazine, la nouvelle ligne éditoriale permet de s’y intéresser frontalement : « Là, en fait, on va en profondeur, et aussi, on délaisse le côté journalisme de solution »
Cette ligne éditoriale permet également à l’association de proposer ses numéros au-delà de la métropole nantaise et de trouver de nouveaux points de vente en Pays-de-la-Loire.
Moins d’illustrations, plus de récit
L’équipe des Autres Possibles est bien consciente qu’en modifiant son format et sa ligne éditoriale, elle peut perdre une partie de son lectorat. « On assume complètement ce choix » avoue Marie Bertin. Ce choix est notamment appuyé par les résultats d’un questionnaire-lecteur révélant le désir de lire des articles plus longs.
« On voulait laisser parler les gens » – Marie Bertin
Chaque numéro est divisé en trois sections : le contexte, le récit et le décryptage. C’est la deuxième section qui occupe le plus d’espace dans le livret : « On voulait laisser parler les gens, même si on est dans la presse écrite, on voulait que les gens puissent témoigner en longueur » explique-t-elle. Le récit permet de suivre l’histoire de « personnages » qui sont également mis en avant plan dans la direction photo. Au niveau visuel, ce sont, en quelque sorte, les photographies qui remplacent les illustrations.
Numéro 45 : Les gardiens de Cordemais
Dans ce numéro, Marie Bertin est allée à la rencontre des porteurs du projet de transition de l’une des deux dernières usines à charbon de France : Cordemais. Là-bas, les ouvriers tentent, depuis plus de 8 ans, de mettre en place un projet de reconversion viable. L’enquête soulève la difficulté d’une transition énergétique, mais aussi la question de savoir qui a le droit de mener ces transitions.
Il sera possible de se procurer un exemplaire en primeur lors du lancement le 14 novembre au bar Mashup à 18h30.