27 janvier 2017

Un Nid branché

Le 21 novembre 2016 au Nid, Fragil a assisté à la première Boiler Room nantaise, phénomène qui streame des DJ set tout autour du monde. Pour mieux comprendre pourquoi et comment cet événement a vu le jour, Fragil a rencontré les artisans de ce projet : Teki Latex, Bertrand Lacroix alias Mome ainsi que l’association Abstrack.

Un Nid branché

27 Jan 2017

Le 21 novembre 2016 au Nid, Fragil a assisté à la première Boiler Room nantaise, phénomène qui streame des DJ set tout autour du monde. Pour mieux comprendre pourquoi et comment cet événement a vu le jour, Fragil a rencontré les artisans de ce projet : Teki Latex, Bertrand Lacroix alias Mome ainsi que l’association Abstrack.

Souvenez-vous de cette soirée dantesque du 21 novembre 2016, il pleuvait des cordes balayées par un vent à décorner des bœufs berrichons. Et tout en haut de Nantes, au sommet de la tour Bretagne, soufflait une brise nouvelle, une Boiler Room, rien que pour les Nantais, et sa scène électronique agitée comme jamais.

Le concept de Boiler Room est né à Londres en 2010, lorsque Blaise Bellville, jeune étudiant anglais, décide de filmer un DJ set dans une chambre d’étudiant, et de le diffuser en direct sur une plateforme de streaming. Le projet va très vite prendre de l’ampleur et instaurer ses propres codes : le DJ est filmé de face avec derrière lui un public souvent restreint, mise en spectacle d’une scène intimiste devant les millions d’yeux potentiels que permet la diffusion sur internet. Boiler Room joue donc un double-jeu, entre élitisme et ouverture populaire, en limitant fortement l’accès physique à ses événements tout en diffusant au monde « une scène underground riche et diverse » selon l’association nantaise d’événementiel et de scénographie Abstrack.

[aesop_image imgwidth= »1024px » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/01/Teki-latex-copie.jpg » credit= »Pierre Hémono » alt= »Teki Latex » align= »center » lightbox= »on » caption= »Teki Latex » captionposition= »left » revealfx= »off »]

Boiler Room s’est développé avec un modèle économique particulier comme l’explique Blaise Bellville, aujourd’hui directeur général de la structure, dans Trax Magazine : « Nous nous finançons en faisant de la publicité de marques via des partenariats, mais aussi en travaillant avec des institutions culturelles ». De plus, Boiler Room permettant une visibilité pour la scène locale, la production de l’événement est à la charge du lieu d’accueil. Cette mécanique bien huilée a permis à Boiler Room de se développer fortement en 6 ans, dépassant le million d’abonnés sur sa chaîne Youtube, et regroupant 1,7 millions de personnes sur sa page Facebook. Fort de ce succès indiscutable, Boiler Room a voulu développer son antenne France en 2016 en faisant appel à Teki Latex, le patron du label Sound Pellegrino.

[aesop_quote type= »pull » background= »#282828″ text= »#FFFFFF » align= »left » size= »1″ quote= »« Lorsque j’ai appris que Raphaël et Teki projetaient de faire une Boiler Room à Nantes, j’ai tout de suite voulu l’organiser au Nid. » » cite= »Bertrand Lacroix, alias Mome » parallax= »off » direction= »left » revealfx= »off »]

Le choix de Teki Latex n’est pas un hasard. Son émission, Overdrive Infinity, qui présente et fait jouer des DJ sur un format de deux heures, a fait de lui un candidat idéal à ce poste. Il a été nommé à la tête de l’antenne France en avril dernier et son émission fera partie du « bouquet » Boiler Room à terme. Outre un rôle décisionnaire, il est aussi présentateur des shows et mixe en warm up des événements. Il veut augmenter la fréquence des Boiler Room en France, à Paris mais aussi en province, c’est pour cela qu’il était à Nantes en novembre dernier. Son partenariat avec le label nantais Fragil Musique reflète bien ses ambitions : promouvoir les scènes locales en mettant en lumière des artistes qu’il considère comme des acteurs majeurs de la ville.

[aesop_image imgwidth= »1024px » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/01/MG_5809.jpg » credit= »Pierre Hémono » align= »center » lightbox= »on » caption= »Vidock » captionposition= »left » revealfx= »off »]

 

Voilà pourquoi Raphaël, le boss du label Fragil, Myako et Vidock, tous natifs de Nantes, accompagnés de la moitié du duo parisien, Jafar, ont pu montrer leur talent, lors d’une soirée accueillie par Le Nid et son DJ résident Bertrand Lacroix, qui a tout fait pour faire venir la Boiler dans ce lieu. « Nous avons la chance d’avoir cette place centrale dans la ville, qui la surplombe…Lorsque j’ai appris que Raphaël et Teki projetaient de faire une Boiler Room à Nantes, j’ai tout de suite voulu l’organiser au Nid. » Cette coproduction entre Le Nid, le label Fragil Musique et Abstrack via son antenne Studio AA, chargé de la scénographie, a réussi son pari : un beau panorama, et une belle promotion pour les artistes présents, avec par exemple plus de 80 000 vues sur la vidéo de Raphaël.

Qu’en est-il du futur ? Bertrand Lacroix, lui, voit plus loin : « Ouvrir au Grand Ouest, allez chercher des mecs à Rennes » et se réjouit de la réussite du projet, qui pour lui en annonce d’autres à Nantes. To be continued

« Dans une petite salle sombre et odorante, j’essaye de retrouver le sens de la vie en tapant des lettres au hasard. »

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017