3 décembre 2024

Vieillir sans disparaître : une soirée de réflexion au Cinéma Saint-Paul

Au Cinéma Saint-Paul de Rezé, le documentaire Les Vieux a bousculé les idées reçues sur la vieillesse. Entre le regard d’un sociologue et les témoignages des participant.e.s, la soirée a exploré les défis d’une société obsédée par la jeunesse et a ouvert des pistes pour revaloriser cette étape de la vie.

Vieillir sans disparaître : une soirée de réflexion au Cinéma Saint-Paul

03 Déc 2024

Au Cinéma Saint-Paul de Rezé, le documentaire Les Vieux a bousculé les idées reçues sur la vieillesse. Entre le regard d’un sociologue et les témoignages des participant.e.s, la soirée a exploré les défis d’une société obsédée par la jeunesse et a ouvert des pistes pour revaloriser cette étape de la vie.

Au Cinéma Saint-Paul de Rezé, le jeudi 21 novembre, la soirée documentaire mensuelle s’est déroulée autour du film Les Vieux, un documentaire audacieux qui choisit de nommer frontalement ce qu’on préfère souvent euphémiser. Retour sur une soirée marquée par des échanges riches et des réflexions profondes sur la vieillesse, la société, et nos propres peurs.

Dès l’ouverture du débat, Thibault Rabain, sociologue intervenant, a souligné l’impact des mots. Pourquoi parle-t-on aisément des jeunes ou des bébés, mais évite-t-on de dire « les vieux » ? Cette hésitation reflète, selon lui, un malaise social profond face à la vieillesse, souvent associée à la maladie et au déclin. L’âgisme, cette discrimination insidieuse envers les personnes âgées, s’ancre dans une société obsédée par la performance et l’apparence. Cette réflexion a ouvert la voie à des discussions passionnantes

Vieillir dans une société utilitariste

Le documentaire et les échanges qui ont suivi ont mis en lumière une question centrale : faut-il réduire la valeur d’un individu à son utilité économique ? Alors que le vieillissement démographique transforme nos sociétés, « 30 % de la population aura plus de 60 ans en 2030, contre 10 % en 1950″ rappelle le sociologue, les personnes âgées peinent souvent à trouver une place valorisée en dehors des rôles liés à la productivité.

Certaines interventions dans la salle ont cependant rappelé les contributions invisibles mais essentielles des aîné·es : transmission intergénérationnelle, garde des petits-enfants, engagement local. Pourquoi notre société tend-elle à sous-évaluer ce qui ne peut être mesuré économiquement ? Le statut de retraité, longtemps perçu comme une pause bien méritée après une vie de labeur, s’accompagne parfois de solitude et de doutes. Pourtant, pour plusieurs intervenants, la retraite est avant tout une conquête sociale, une « seconde vie » à investir.

Thibault Rabain intervient après la séance du film « Les Vieux » de Claus Drexel au cinéma Saint-Paul de Rezé

 

L’un des témoignages les plus marquants de la soirée est celui d’une cofondatrice d’une association de cohabitation intergénérationnelle : « Partager son temps, c’est vieillir en restant vivant.« .  Une autre participante a évoqué son quotidien actif et joyeux : « J’ai 70 ans et je suis dans le bel âge, grâce à un certain pouvoir d’achat, parce qu’il faut être honnête, je vais au cinéma, je mange au restaurant avec mes amis et j’ai même un amoureux… Vieillir, c’est aussi profiter. » Au fil des échanges, une idée forte a émergé : il faut repenser collectivement la place des personnes âgées. Cela passe par des solutions concrètes, comme favoriser la cohabitation intergénérationnelle ou mieux soutenir les « vieillesses usées« . Mais cela implique aussi de changer notre regard : vieillir, c’est transmettre, mais aussi continuer à apprendre, à aimer, à s’épanouir.

La soirée s’est terminée sur des mots inspirants d’un intervenant citant Paul Ricoeur : « Essayer de vivre bien dans des institutions justes. » Un défi de taille pour nos sociétés modernes, mais qui, à en juger par l’énergie et la profondeur des échanges, semble à la portée d’une génération déterminée à réinventer la vieillesse.

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017