Nantes, 2 quai Turenne. C’est là que se trouve la boutique à la devanture colorée, arborant le dessin d’une platine. Ouvert en 2005, Mélomane se consacre depuis maintenant une dizaine d’années aux vinyles. « Nous faisons encore un peu de ventes de CD neufs et d’occasion, mais nous avons la volonté de consacrer la boutique aux vinyles car c’est devenu très rare », explique Jean-Christophe, gérant de Mélomane. Car qui mieux qu’un disquaire pour analyser l’évolution de la clientèle ? En dix ans, ce passionné de la fameuse et mythique galette a vu sa clientèle changer.
Évolution de la clientèle
À son ouverture en 2005, les clients du disquaire nantais étaient de fidèles passionnés du vinyle depuis plus de vingt ans, constate Jean-Christophe. « C’était principalement des quadragénaires qui avaient connu le vinyle dans leur jeunesse ». Les clients avaient donc un lien particulier et intime avec les vinyles qui avaient bercé leur adolescence. « Ce sont des nostalgiques de la galette ».
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Le gérant de la boutique constate également, depuis l’ouverture en 2005, que Mélomane attire des personnes qui viennent du monde de l’electro et du hip-hop. « Ils ont un lien fort avec ce style de musique et sont attachés à l’objet. Ils continuaient à utiliser les platines vinyles alors qu’on n’en trouvait presque plus », explique Jean-Christophe.
L’autre constat important que fait Jean-Christophe depuis quatre ans est la fréquentation de plus en plus forte des jeunes dans sa boutique. « Ils ont entre 20 et 25 ans. Pour la majorité, ils estiment avoir découvert le vinyle par l’intermédiaire de leurs parents. Maintenant on trouve des coupons MP3 inclus avec les vinyles, donc ça les attire encore plus. C’est plus simple pour eux de les utiliser ».
[aesop_quote type= »block » background= »#282828″ text= »#ffffff » align= »left » size= »1″ quote= »Une clientèle qui rajeunit plus le vinyle prend de l’âge et surtout, qui se féminise » parallax= »on » direction= »left »]
Une clientèle qui rajeunit plus le vinyle prend de l’âge et surtout, qui se féminise. « À l’ouverture, c’était principalement une clientèle masculine. Les choses évoluent, c’est une bonne nouvelle ». Comme pour la photographie argentique, le vinyle a bel et bien séduit les jeunes malgré la facilité qu’offre le numérique pour l’écoute de la musique.
Un acte d’écoute différent
Avec le numérique, les possibilités d’écoute se sont développées. Le téléchargement et le streaming sont aujourd’hui des pratiques omniprésentes sur le net dans la consommation musicale. Pourtant, les jeunes se tournent de plus en plus vers le vinyle. Pour Jean-Christophe, le retour de la tendance vintage depuis ces dernières années joue beaucoup, mais pas que. « C’est un bel objet en lien avec le vintage qui les attire. Mais ils savent que l’écoute du vinyle est une autre démarche. C’est sûrement cette différence qui les attire. Trop habitués au numérique, ils cherchent autre chose », explique le disquaire.
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Chloé Nataf, en charge du développement des musiques enregistrées à Trempolino, estime également que le retour à l’objet compte beaucoup pour les jeunes. « Chez soi, on va plutôt consommer la musique par des plateformes de streaming ou en téléchargeant, mais parallèlement on a envie d’avoir un objet ».
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« Le vinyle est plus grand, plus beau et plus impressionnant que le CD ». L’attachement à l’objet joue donc un rôle essentiel dans l’engouement des jeunes pour le vinyle dont la pochette donne à discuter. Contrairement à la musique qui s’accumule dans les disques durs et qui finit par s’oublier, l’achat d’un vinyle est une toute autre démarche. « L’acte d’achat est beaucoup plus réfléchi. Sur le net, on ne réfléchit pas forcément, car on peut tout avoir en quelques clics. Le vinyle a un certain coût. On prend donc le temps de faire ses choix », explique Jean-Christophe.
Au-delà du prix du vinyle, les manières de consommer la musique changent avec cet objet. « Pour écouter un vinyle, il faut se lever et le poser sur la platine. C’est totalement différent que de cliquer et de lancer un morceau sur le net », explique Chloé Nataf. Besoin d’authenticité et prise de conscience de l’impact du numérique sur leurs manières de consommer la musique, font que les consommateurs expriment le besoin de prendre le temps d’écouter. Avec le vinyle, les clients acquièrent donc moins de musique, mais prêtent une attention beaucoup plus importante quant à leurs choix d’écoute.
[aesop_image imgwidth= »1024px » img= »http://fragil.org/wp-content/uploads/2016/06/vingimp-3.jpg » credit= »Manon Margérard » alt= »« Le vinyle est plus grand, plus beau et plus impressionnant que le CD » » align= »center » lightbox= »on » caption= »« Le vinyle est plus grand, plus beau et plus impressionnant que le CD » » captionposition= »center »]
Au fil des ans, le vinyle a su résister face à la révolution numérique de par ses particularités telles que sa pochette, son fameux craquement et la chaleur que son écoute laisse échapper, touchant les âmes au plus profond. Mais, selon Jean-Christophe, il ne faut pas pour autant estimer que le numérique possède moins de qualités sonores. « La qualité du son dépend dans tous les cas de l’état de l’objet, du matériel et de ses performances. La qualité d’une platine aura une influence sur l’écoute du vinyle ».
Chloé Nataf, habituée à travailler avec le numérique, partage également cet avis. « Bien sûr, avec le MP3, la qualité sonore est amortie et compressée. Mais, de nos jours, les technologies permettent de restituer le son en très haute qualité. Le vinyle n’a, par exemple, pas une qualité supérieure au CD, qui est plutôt pas mal. Ce qui compte c’est l’objet et la chaleur du son. S’il est vieux, il y aura alors ce petit craquement si charmant. Le côté tactile intéresse principalement les consommateurs de vinyles ».
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Au-delà des amateurs de l’objet et de son authenticité, il y a aussi une clientèle qui collectionne et achète un vinyle après un concert afin de soutenir les artistes, sans forcément avoir une platine chez elle. « [Les clients] savent que l’argent ira directement dans les poches des artistes, sans passer par les magasins », explique Chloé Nataf qui côtoie quotidiennement des artistes attirés par l’objet.
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Des ventes minoritaires
Le fait de ne pas posséder de platine ne réduit pas l’engouement pour le vinyle. Au début de l’année 2015 au Royaume-Uni, 7% des acheteurs de vinyles n’avaient pas de platine chez eux et 41% des acheteurs de vinyles ne les écoutaient pas malgré qu’ils possèdent une platine, selon un sondage réalisé par l’ICM Unlimited et commandé par la BBC. Bien que la platine ait connu un franc succès à Noël 2015, le vinyle reste principalement un objet de décoration plutôt qu’un objet musical.
Objet que les amateurs peuvent acquérir d’occasion pour de modiques sommes. Car neuf, le vinyle reste un support très onéreux. « La demande augmente, donc forcément les prix aussi. Ils sont produits en petite quantité donc se vendent plus rapidement que les CD », affirme Chloé Nataf.
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Loin derrière le streaming et le téléchargement, qui représentent à eux seuls 45% du chiffre d’affaires total mondial en 2015 et qui dépassent la vente physique, la vente de vinyles, elle, ne représente que 2% des ventes du marché de la musique au niveau mondial, selon le Global Music Report 2016 par l’IFPI (Federation of the Phonographic Industry) et le SNEP (Syndicat National de l’Industrie Phonographique). Les ventes de vinyles restent donc très marginales, contrairement à une idée reçue ces dernières années, selon laquelle cet objet mythique serait mis sur un piédestal.
Bien sûr les chiffres ne font qu’augmenter, car les ventes dans le monde ont doublé entre 2012 et 2015, soit 750 000 vinyles vendus en 2015, selon le SNEP. Ces chiffres ne prennent pas en compte les ventes de vinyles d’occasion, or les disquaires de seconde main jouent un rôle majeur dans la vente de vinyles, ce qui complique le calcul réel des ventes.
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[aesop_quote type= »pull » background= »#282828″ text= »#ffffff » align= »center » size= »2″ quote= »Le Disquaire Day empêche les petits labels de travailler, car les gros labels n’arrêtent pas de represser » parallax= »on » direction= »left »]
Certains sont même venus de loin pour profiter de cette opportunité. « J’ai plus de 100 vinyles et je les écoute tous. Je m’en sers surtout pour mixer. Dans notre petite contrée du Calvados, on n’a pas la chance d’avoir des magasins comme Mélomane, donc je viens dès que je peux. Mais le Disquaire Day empêche les petits labels de travailler, car les gros labels n’arrêtent pas de represser pendant des mois juste pour cette occasion », confie un Calvadosien. D’autres sont venus par curiosité et pour dénicher de bonnes affaires. « Je n’ai finalement acheté que des vinyles à 1€ », confie un jeune amateur de la fameuse galette chez Oneness Records.
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Même si le Disquaire Day donne un élan aux ventes de vinyles, Jean-Christophe est persuadé que les ventes n’atteindront jamais les chiffres des années 80. « Avant c’était le seul support. Aujourd’hui, les usines ne sont plus autant équipées », explique le gérant de Mélomane.
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Le vinyle a encore de belles années devant lui, porté par une jeunesse fascinée par l’authenticité du support, mais reste encore une pratique marginale par rapport aux autres modes de consommation de la musique. Oui, la galette est bel et bien de retour, séduisant un nouveau public, mais ce retour est un trompe-l’œil qui dissimule un marché de niche.
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