• Distribution guide Watizat Nantes
16 décembre 2024

Watizat : informer pour donner à toutes et tous le même accès au droit

À Nantes, l'association Watizat a fait du droit à l'information sa lutte. Son guide, à destination des personnes en exil et des associations de terrain, offre un accès aux droits et aux services essentiels ; un premier pas vers l’émancipation.

Watizat : informer pour donner à toutes et tous le même accès au droit

16 Déc 2024

À Nantes, l'association Watizat a fait du droit à l'information sa lutte. Son guide, à destination des personnes en exil et des associations de terrain, offre un accès aux droits et aux services essentiels ; un premier pas vers l’émancipation.

Jean-Baptiste, Emmanuelle, Sam et Zoé … Ils sont une poignée de bénévoles à se réunir deux fois par mois dans les locaux de l’association GASPROM, rue Fouré à Nantes, pour faire vivre Watizat.
À Nantes, où le nombre de personnes exilées est conséquent, l’association Watizat fait du droit à l’information sa lutte. Plus qu’un recueil de ressources, le guide Watizat, à destination des personnes en exil et des associations de terrain, permet de mieux comprendre l’environnement du pays d’accueil et de donner un accès aux droits et aux services essentiels. Comment se soigner, quelles démarches pour obtenir un hébergement… Des besoins simples mais décisifs pour leur avenir.
La dernière édition de ce guide trimestriel est parue en octobre. Une nouvelle version enrichie est prévue en janvier.

Une initiative parisienne qui a fait des petits

« Watizat est né à Paris. Le premier guide est sorti en 2018 et l’association s’est constituée en 2019. » , présente Sam, bénévole, en précisant que « La vocation première du guide c’était de pouvoir informer les personnes exilées lorsqu’elles arrivaient dans Paris » .
Aujourd’hui, les actions se sont étoffées à Paris avec également des temps de formation dédiés, aussi bien pour les particuliers que les associations. Depuis, plusieurs antennes ont été créées en France : Lyon, Toulouse, dans l’Oise et… à Nantes depuis février dernier.

L’antenne de Nantes en est encore à ses débuts, mais a tout de même déjà, en moins d’un an, constitué une petite équipe solide, publié deux guides et fait ses premières maraudes pour les distribuer. « On s’est servi des liens existants avec Talensac » , explique Sam, également très investi auprès de l’Autre Cantine.

Si certaines antennes ont quelques salarié·es et volontaires en service civique, l’association de Nantes est 100% bénévole.
9 personnes régulières se partagent les tâches : design, communication, mise à jour des contenus du guide, commandes et facturation et lien avec les autres associations sociales du territoire.

L’équipe de bénévoles réunie autour du guide dans les locaux de GASPROM le mardi 10 décembre 2024. Photo © Amandine Masson

« On est plutôt satisfaits d’avoir sorti 2 guides en l’espace de 6 mois. » , confie Sam. « Et on a de très bons retours sur ce que l’on y trouve. » , ajoute Jean-Baptiste, car « cette information est utile et les travailleurs sociaux s’en servent. Il y avait un guide pré-existant de la ville de Nantes mais qui n’était pas satisfaisant à notre sens, car il s’agissait d’un guide d’adresses uniquement, manquant de précisions » .

Sam analyse d’ailleurs qu’ « Il y a aussi peut-être un parti-pris plus militant, plus politique, qui est envisagé au travers du guide Watizat. Par exemple dans le guide on dit “En cas d’arrestation par la police, comportez-vous de telle manière… Le guide d’urgence sociale de la Ville ne peut pas se permettre ça » .

Une prochaine édition en arabe en janvier

L’association nantaise s’est fixée la publication d’un guide par trimestre, afin de mettre à jour les structures listées et leurs informations, mais aussi d’actualiser les informations juridiques. « Pour l’édition d’automne, par exemple, on avait pris en considération la loi immigration. On est un peu assujettis aussi aux mouvements politiques et à leurs décisions » , rappelle Sam.

« Le but de la prochaine édition c’est de sortir un guide arabe. Ce sera une grosse plus-value. Il y a un public arabophone en demande. » , se réjouissent les deux bénévoles. Une traduction du guide en dari – aussi appelé persan Afghan – est aussi en cours alors que la version anglaise, elle, peine à être écoulée. L’association planche également sur le projet d’une version plus accessible et lisible pour tou·te·s, même si le caractère exhaustif du guide en fait aujourd’hui sa richesse.

Un équilibre financier et humain à trouver

Le financement du guide Watizat s’appuie actuellement uniquement sur une cagnotte solidaire et la plus-value des ventes (le guide est vendu 2€), ce qui ne sera pas viable à long terme. L’obtention prochaine de subventions permettrait de développer les maraudes et de « rendre accessible le guide aux personnes les plus concernées ». Sam espère ainsi « aller toucher d’autres publics, notamment les femmes qui sont pleinement invisibilisées » .

« Le but c’est de permettre de donner le guide aux associations et aux personnes qui n’ont pas les moyens de le payer. » , conclue Jean-Baptiste. Le guide est d’ailleurs également consultable en ligne gratuitement grâce à l’hébergement de l’antenne nationale.

À terme, le recrutement de nouveaux bénévoles s’avère nécessaire pour consolider l’équipe actuelle. En mars, un temps festif sera aussi certainement organisé à Nantes pour faire une levée de fonds. En attendant, la cagnotte solidaire de Watizat reste le meilleur moyen de soutenir l’association.

Liens utiles

Tout droit arrivée de Paris où elle a vécu les 15 dernières années, Amandine est à Nantes depuis seulement quelques mois. Pourtant, sa connaissance du calendrier culturel et son ancrage dans le quartier révèlent plutôt une femme capable de trouver toutes les occasions pour faire des rencontres et de s’imprégner de l'imaginaire nantais.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017