24 janvier 2018

What the Fuck ?

Adaptée du roman éponyme d’Edgar Hilsenrath, la pièce Fuck America suit les errances de Jakob Bronsky, juif allemand exilé aux Etats-Unis dans les années 50. Entre ses boulots de nuit, la bouillie servie à la cafétéria des émigrants et les putes qu’il a rarement le luxe de s’offrir, le rêve américain se révèle décevant. Dans cette adaptation, Le Théâtre du Rictus reste très attaché au roman, sa structure narrative et ses dialogues des plus trash.

What the Fuck ?

24 Jan 2018

Adaptée du roman éponyme d’Edgar Hilsenrath, la pièce Fuck America suit les errances de Jakob Bronsky, juif allemand exilé aux Etats-Unis dans les années 50. Entre ses boulots de nuit, la bouillie servie à la cafétéria des émigrants et les putes qu’il a rarement le luxe de s’offrir, le rêve américain se révèle décevant. Dans cette adaptation, Le Théâtre du Rictus reste très attaché au roman, sa structure narrative et ses dialogues des plus trash.

La pièce, comme le livre, s’ouvre sur la correspondance entre Nathan Bronsky, père du héros, et le consul des États-Unis. On est en 1938, les nazis brûlent les synagogues en Allemagne et M. Bronsky demande des visas en urgence. Le consul lui répond huit mois plus tard en juillet 1939 ! N’étant qu’un juif parmi des centaines d’autres milliers persécutés, selon le système de quotas et en étant optimiste, la demande de visas devrait aboutir dans treize ans, soit en 1952 ! Le ton est donné. L’humour est noir, grinçant.

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Pas facile de faire sa place dans une société où le culte du succès, du pouvoir et de l’argent règnent en maîtres.

On retrouve donc Jakob Bronsky à New York dans les années 50. Ayant survécu aux camps de la mort, il est finalement parti s’installer aux États-Unis. Ce pays des rêves et des libertés où n’importe qui peut faire fortune…ou pas ! Cet antihéros, qui n’est autre que le double de l’auteur Edgar Hilsenrath, est confronté à toutes les difficultés d’un nouvel arrivant : trouver un logement, un travail, une femme, tout est une lutte et le choc des cultures est violent. Pas facile de faire sa place dans une société où le culte du succès, du pouvoir et de l’argent règnent en maîtres.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/01/IMG_6637.jpg » credit= »Théâtre du Rictus » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Le texte d’Edgar Hilsenrath est cru, sans filtre. Il sent le taudis, la misère et la faim. Il parle de bite, de cul, de putes…

Notre exilé va donc se réfugier dans l’écriture. Son livre racontera les péripéties d’un homme seul et comme le souligne son colocataire « Si c’est un homme solitaire, c’est un branleur. Appelez votre livre Le Branleur ! ».
Pour la mise en scène, Laurent Maindon a fait le choix d’une équipe de 5 comédiens. Le décor minimaliste trouve une profondeur dans une partition vidéo des plus réussie. Le texte d’Edgar Hilsenrath est cru, sans filtre. Il sent le taudis, la misère et la faim. Il parle de bite, de cul, de putes… ça sort des tripes, rappelant ici et là le ton de son homologue américain Charles Bukowski. A la fois moteur et frustration, le sexe est omniprésent. Sur le plateau, certaines scènes font place à l’obscène et l’irrévérencieux flirte parfois avec le mauvais goût. Mais qu’importe ! On s’attache à ce personnage qui galère avec une mention spéciale pour la scène finale des plus touchantes.

« Dans ce pays, un intellectuel n’a aucune chance de devenir président. »

Ce texte qui traite d’exil et de migration a été publié en 1980 et résonne tout particulièrement aujourd’hui, à l’image de cette phrase parlant des Etats-Unis : « Dans ce pays, un intellectuel n’a aucune chance de devenir président.» Tristement visionnaire !

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Alsacienne d'origine, exilée dans le sud après un périple de quelques mois autour du monde, Christelle vient de poser ses valises dans la charmante ville de Nantes. Ciné, musique, expo, elle vous invitera à la suivre dans l'exploration de son nouveau terrain de jeu !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017